grand corps malade | pv: archie

GET REAL

Petite sortie rapide. Les fêtes approchaient, t'avais déjà commencer à préparer quelques cadeaux. T'avais celui de ta petite-amie, de ta soeur aînée, et de quelques amis qui avaient su prendre soin de toi. T'étais pas très fête. Pas de sapin pour toi, de déco sur ta jolie maison, de vêtements à thème. Parce que t'étais pas croyante, mais aussi parce que ça te rappelait ta famille. Noël, s'était sacré, et tu morflais toujours parce que tu voyais toute ta famille qui te regardais de travers, t'étais mise à part, et t'étais encadré par le militarisme de ton père; fais-ci, fais-ça, tais-toi et souris. Alors, s'était pas trop ton délire. D'ailleurs, t'avais cet avantage à ne pas avoir à offrir de cadeaux à papa, maman, tata, tonton, petit cousin, etcetera etcetera... Il te restait que ta soeur, et ton petit-frère. Aujourd'hui, tu t'occupais de ce dernier. Tout les ans, tu lui offrais un cadeau. Un petit colis anonyme, mais toujours avec ce signe bien distinct que seul lui pouvait comprendre que s'était toi. Comme ça, tes parents ne le priveraient pas de ton cadeau. A chaque fois, tu terminais par "et pas de bêtises, le Nain". Parce que tu le surnommais toujours comme ça avant, il détestait ça, mais s'était votre truc. Le petit n'avait rien voulu de tout ça, il était trop petit lorsque tu avais été exilé, et il te manquait ce gamin. Il avait 14ans cette année, et tu sentais qu'il n'avait pas cette haine envers toi, cette même haine que ta famille avait pour toi. T'aimerais tellement le retrouver. Au moins voir ce qu'il devenait, à quoi il ressemblait, si il allait bien. Est-ce qu'il avait toujours ce rêve à devenir agent du fbi? Est-ce qu'il connaissait ton groupe? Tu pouvais pas savoir, tu pouvais pas aller en douce devant ton ancienne maison -ou plutôt villa- pour le suivre un petit peu et le voir. Tu risquerais gros, et qui sait, tu lui ferais peur. Car tu n'étais plus du tout cette grande soeur brune, joyeuse et drôle. Maintenant t'étais cette fille toute vêtue de noir, aux cheveux neige, au regard éteint.

Aujourd'hui, tu te rendais à la poste près de chez toi, à pied, ta canne dans une main, le colis sous ton autre bras. Tu lui avais trouvé une écharpe verte et noire et un vinyle des Clash, parce que tu savais qu'il en était fan, et que ta famille avait surement gardé leur lecteur de vinyles. T'avais tout emballé soigneusement accompagné d'une petite carte avec un chiot qui jouait de la guitare. Ça aussi s'était un petit signe, car lorsque tu vivais avec tes parents, tu leur cassais les oreilles avec ta guitare. T'avais pas tardé longtemps dans le poste, t'occupant du colis et repartant. On te regardait un peu de travers, mais moins qu'habituellement. Ta canne avait tendance à intriguer les passants, toi qui étais si jeune pour avoir des problèmes de jambe. Et puis ton style toute vêtu de noir avec tes cheveux blancs qui ressortaient, ça attirait l'oeil aussi, surtout durant cette période. Mais aujourd'hui, t'avais cette nouvelle veste. Maintenant que tu avais fait ton deuil, tu te remettais pas à pas à remettre de la couleur. Alors tu avais cette sherpa, délavée et à la fourrure blanche, un peu trop grande. S'était pas grand chose, toi qui portait tout le reste en noir, mais s'était un gros pas. En plus, tu choquais moins.
T'étais dans tes pensées lors du chemin du retour, ne voyant pas grand chose autour de toi. Tu pensais à ton petit-frère, Ciel. Il te manquait vraiment. Tu te demandais si t'allais finir par agir et aller le voir, tu te demandais aussi si tu lui manquais vraiment. S'était surtout cette dernière question qui te travaillait. Et si ta famille lui avait fait un bourrage de crâne et l'avait monté contre toi..? Non, ta grande soeur, Melissa, leur en aurait empêché. Elle était la seule de ta famille avec qui tu avais gardé contact, la seule que tu voyais et qui t'aimais encore. Tu te disais que tu allais lui demander des nouvelles du petit la prochaine fois que tu la verras, ça te mettrait un peu de baume au coeur.

Tu ne savais pas spécialement ce que tu allais faire en rentrant. Peut-être faire un peu de guitare, ou de rangement, de quoi t’occuper et te changer les idées. Et puis, jouer de tes instruments avaient le don de détendre ton esprit, tu pouvais t’évader un petit peu. La scène aussi, ça te faisait cet effet là. Et à cet instant, t’en avait besoin. Ton frère était beaucoup trop dans ta tête. Tu te demandais si ce cadeau allait lui plaire, si il allait te reconnaitre. Et ça, tu ne le sauras jamais. Au bout du compte, ça te faisait plus souffrir que de ne rien faire pour lui.

Mais t’as été tirée de tes pensées lorsque tu entendais ton prénom : « Luna ? Comment ça va ? » Tu relevais ta tête, tombant alors nez-à-nez face à un jeune homme. Tu l’avais directement reconnu. Archie Black. « Je ne sais pas si tu te rappelles de moi... Archie, le mec qui t’as interviewé il y a quelques semaines. » Mais t’as paniqué sur le coup. T’avais fait un peu n’importe quoi avec la main qui tenait ta canne sur le moment. La mettant derrière toi, puis sous ton manteau. Mais allez cacher une longue tige noire en bois cirée. T’avais l’air un peu débile, mais finalement tu la gardais normalement devant toi, et tu soufflais. Et puis merde. Tu lui souriais, un peu forcée parce que t’avais cette boule au ventre. « Si, bien sûr que je me souviens. » Il avait été parfait avec toi, rien à voir avec d’autres interviewers qui profitaient de l’artiste à fond, coupait la parole et posait des questions indiscrètes. Lui, t’avais respecté jusqu’au bout, quitte à mettre des questions de côté, et ça t’avais marqué. Alors tu regardais ta canne, puis à nouveau son visage. T’avais ce tic avec lui aussi, les exceptions étaient rare : tu ne le regardais pas dans les yeux. Tu regardais de tout ; cheveux, joue, sourcil, mains, décor, mais jamais ses yeux. S’était comme ça pour tout le monde, mise à part ta petite-amie et des personnes très proches tel que les garçons de ton groupe. Parce que le regard n’était pas que deux billes de couleurs, mais bien un miroir. Tu voyais tout ; tristesse, jugement, attirance, joie, pitié… Et le ressenti des autres, t’en avait rien à faire. Ca te fatiguait. « C’est cool de te revoir. J’ai pu lire ce que tu as fait, s’était sympa. T’es doué. » T’esquissais un petit sourire en coin malgré tout. C’est vrai que tu avais apprécié son article. Et puis ton stress revenait, et tu regardais cette tige que dont tu t’appuyais dessus.  « Tu peux… Faire comme si t’avais rien vu.. ? » Tu lui avais demandé en lui montrant ta canne, mal à l’aise. Si tes fans viendraient à apprendre pour ton handicap, t’étais fichu. Toutes tes interviews porteraient sur ça et  on te verrait comme une pauvre chose qui a pris cher. Et puis, tu commençais à voir de tout, et ça ne te surprendrais pas qu’un journaliste ou fan étrange réussirait à mettre la main sur ton dossier médical pour en savoir plus. Et ça, il en était hors de question. Tu savais que l’anglais était respectueux et compréhensif, mais s’était tout de même un gros scoop qu’il avait là, devant lui. Alors t’avais ce stress, qu’il balance tout. C'est pourquoi tu lui avait demandé ça très vite, histoire de te prendre sa joie dans la gueule directement ou, au contraire, qu'il te rassure tout de suite qu'il ne dira rien.

Oui, il y a eu ce silence entre vous deux. Parce que t’étais pas si bavarde que ça, et t’avais tendance à mettre les gens mal à l’aise, parce que ton visage était loin d’être expressif. On savait pas si tu étais contente d’être avec la personne, ou que ça t’ennuyais. Mais là, t’étais juste stressée, pas agacée de la voir. « J’ai fait ce que j’ai pu pour que l’article te convienne et que tu sois à l’aise avec. Merci du complément. » Tu hochais la tête pour ses remerciements, cette boule au ventre t’empêchant de t’exprimer réellement. Alors tu lui avais demandé de garder pour lui ce qu’il voyait devant lui, cette canne que tu tenais, dont tu t’appuyais dessus. Tu le sentais d’abord perplexe, jusqu’à ce qu’il regarde en direction de ce que tu lui montrais. Ca t’avait surprise… Il ne l’avait pas remarqué jusqu’à maintenant, en fait ? Toi qui pensait qu’on ne voyait que ça chez toi lorsque tu sortais avec, ça te faisait tellement bizarre. C’est presque si ça te faisait du bien, au final. « Bien sûr, ne t’inquiètes pas pour ça. Je ne dirai rien. » Et son sourire qu’il t’esquissait te rassurait au plus haut point. Tu lui rendais même ce sourire, avant de soupirer, cette boule au ventre s’échappant aussitôt. Décidément, ce garçon n’était pas comme les autres journalistes. Comme les autres, tout court. Car ça te choquais encore, qu’il n’avait pas vu ta canne en premier. Toi qui en avais tellement honte, qui voyait le regard des autres, à se demander pourquoi tu avais besoin de ce bâton. Handicapée, blessée ? Pauvre petite. C’est ce dont tu avais l’impression qu’on pensait de toi, ce que les autres voyaient en te regardant. Une pauvre chose. Et t’avais horreur de ça. Parce que grâce à cette canne, ta blessure était moins douloureuse et tu pouvais même marcher plus longtemps qu’avant, tu faisais tout ton possible pour que ta jambe aille mieux. Alors on devrait plutôt te voir comme un lion. Parce que tu te battais contre cette merde.

« Tu veux qu’on aille boire un café ou quelque chose de chaud ? Non pas que je n’aime pas discuter avec toi, mais je suis à deux doigts de me congeler sur place. » T’avais réfléchi à cela. Et si il te proposait ça pour te bombarder de question sur ta jambe ? T’as douté. Mais final, tu te disais à quoi bon. Il avait été compréhensif et gentil jusqu’ici, autant lui accorder un peu de ta confiance. Il avait déjà fait ses preuves en publiant un article parfait à ton sujet, sans la moindre indiscrétion ou trahison. T’avais même pas pensé au fait qu’il pourrait te draguer, t’étais tellement gay que t’avais tendance à voir les hommes comme des bros, parce que t’étais attiré par la même chose qu’eux. S’était rare qu’un homme te draguait, ou alors tu le cramais tout de suite, parce que tu savais comment il fallait s’y prendre pour draguer une fille. Et puis les hommes avaient tendance à ne pas t’imaginer dans leur lit, parce que t’étais trop compliquée pour eux, intimidante, pas facile. Sans oublier ta grande taille qui les faisait complexer. Enfin, même si Archie était un poil plus grand que toi, toi qui étais une perche, lui s’était pire. Mais bon, tu le voyais très mal te draguer. Pas du tout même. Alors l’idée ne t’était même pas passée par la tête. Tu finissais par hausser les épaules. « Pourquoi pas. Allons-y. » T’avais toujours ce ton inexpressif qui avait le don de frustrer les autres, mais en soit, l’idée de te plaisait. Ton asociabilité se dissipait peu à peu avec le temps. Tu réapprenais à passer du temps avec les autres, à prendre plaisir à discuter avec quelqu’un. Grâce à Lyra, tes garçons, Madeline, Gaston… Ton entourage s’agrandissait malgré ton sale caractère, et ces personnes bienfaisantes déteignaient sur toi. Ainsi, tout doucement, cette nature gentille et sociable que tu avais avant ton accident revenait doucement.
Tu commençais ainsi à marcher vers ce café en sa compagnie. Ta jambe abîmée n’était pas si visible que ça. Tu boitais pas, ton pas n’était pas si lent et on ne voyait aucune souffrance sur ton visage. C’est presque si on pouvait croire que ta canne était inutile. En vérité, elle n’était qu’un appuie, une petite aide pour empêcher le muscle atrophié de ta cuisse de trop forcer. Et si elle venait à vraiment te faire souffrir à cause d’une marche trop longue, tu ne serais pas incapable de marcher grâce à cette canne qui te serait une roue de secours. Car le nombre de fois où t’as fini bloquée à un endroit parce que t’étais incapable de marcher sans souffrir, s’était encore plus gênant et rabaissant que de tenir cette canne…
T’étais plutôt silencieuse à ses côtés. Il ne fallait pas te demander la lune, t’avais encore du mal à faire la conversation. Il suffisait de te lancer un peu, mais c’est rare que ça vienne de toi-même.

Ce silence, ce n'était rien de méchant de ta part, au contraire, s'était totalement normal. T'étais comme ça, du genre à ne pas parler pour rien dire, ou simplement commencer une conversation. Et ce silence ne voulait pas dire que tu étais avec lui à contre-coeur. Si ça avait été le cas, t'aurais juste refusé son invitation et t'aurais tracé ton chemin. Non, t'étais juste loin d'être bavarde. Et t'avais tendance à regarder tout sauf le jeune pendant cette petite marche. Tu regardais devant toi, autour de toi, mais jamais le journaliste. Toujours ce tic. Mais tu l'écoutais bel et bien. « Toi aussi tu es en ville pour trouver les dernières idées de cadeaux ? » Tu pensais aussitôt à ce colis que tu venais d’envoyer à la poste. « Ah, oui. Je viens de m’occuper de mon petit-frère. J’ai fais le tour, j’espère que tout le monde sera content. Et toi ? » Faut dire que t’avais beau être associable, du genre à te soucier de personne, mais quand il s’agissait de tes proches, t’avait le cœur sur la main. T’avais fait de ton mieux pour faire plaisir à tout le monde, à voir ce que ça allait donner. T’avais même tendance à oublier que toi aussi, t’allais recevoir des cadeaux, tant tu y mettais du tien pour leur faire plaisir honnêtement. Et d’ailleurs, chaque année, les garçons de ton groupe donnaient tout pour te faire un cadeau, parfois groupé ou non. Et chaque année, ils avaient le don de te surprendre, parce qu’ils te connaissaient par cœur, et qu’ils pensaient à toi, malgré ton caractère changé qu’ils avaient dû subir. L’année dernière, ils t’avaient offert une guitare acoustique blanche vernie, celle que tu avais adorée à la vitrine d’un magasin et qu’ils n’avaient pas manqué d’oublier. Pour dire à quel point ils ne faisaient pas les choses à moitié.

Arrivé dans le café, la chaleur qui t’avais enveloppé dès que tu étais entré dans le bâtiment te fit également lâcher un petit soupir. T’avais pas réalisé à quel point il faisait froid dehors. T’étais pas très frileuse, t’avais même pas d’écharpe autour du coup, mais tu sentais bien que là, t’aurais mieux fait d’en prendre une en fait, vu le froid, au risque de choper quelque chose. « Tu sais pour ta canne, tu ne devrais pas t’inquiéter autant. Cela ne se voit pas forcément et tu marches presque normalement. Au début, j’avais même pas compris ce dont tu me parlais quand tu m’as demandé de faire comme si je n’avais rien vu. » Tu l’avais regardé un court instant dans les yeux à ces paroles, voyant bel et bien qu’il était honnête dans ce qu’il disait. Et ça te surprenait. Toi qui complexais tellement sur cette canne, qui avait l’impression qu’on ne voyait que ça chez toi. « Ah… Vraiment.. ? » Ca te faisait bizarre, mais ça te rassurait tellement en fait. S’était rare qu’on te donnait un avis sur ta canne, parce que tu la sortais jamais ou alors tu ne donnais pas l’occasion de le faire. Comme tes garçons dont tu avais directement mis le stop à la moindre remarque. Vous aviez un amour vache entre vous, mais tu ne pouvais pas supporter de blagues à ce sujet. « Merci de me le dire, c’est pas facile à supporter. Ca fait pas longtemps que je commence à marcher avec, je l’assumais pas avant, mais j’ai bien compris qu’elle m’aidait… » A ton tour de commander, tu demandais un cappuccino vanille, attendant patiemment ta boisson et la payant par un petit billet que tu sortais de ta poche. La monnaie de ton colis, heureusement que tu l’avais, toi qui pensait juste faire un aller-retour à la poste, tu n’avais rien pris avec toi à part tes clés et un billet de vingt. « Merci en tout cas, de garder ça pour toi. Disons que… Je n’aime pas parler de ses origines. » Et tu n’en parleras pas. Parce que t’as jamais digéré la chose, et c’est ça qui t’a rendu aussi sombre et mal. S’était encore une plaie ouverte et douloureuse, qui prenait bien plus de temps à s’apaiser que ta blessure physique.

S’était plutôt rare, que tu acceptes l’invitation de quelqu’un. Mais avec le temps, t’avais appris à te sociabiliser, tu te faisais des nouveaux amis et tu sortais un peu plus. S’était un grand pas de ta part, toi qui étais au plus bas après ces vacances de l’année dernière, à broyer du noir chez toi et ne plus sortir. Et aujourd’hui tu étais là, dans ce café, avec ce jeune homme qui pourtant n’était qu’un journaliste qui t’avais interviewé. Tu t’ouvrais un peu plus aux autres, et tu te rendais compte que s’était pas si mal. Toi qui avais perdu tout intérêt pour les autres après cet accident, tu te rendais compte que s’était tout de même agréable de sortir, voir et parler avec les autres. Alors même si t’étais encore dure à accoster et à engager la discussion, tu savais être de bonne compagnie avec ceux qui étaient devenu tes amis. D’ailleurs, tu écoutais le jeune homme te rassurais au sujet de ta canne, ton plus gros complexe. « Ne t’inquiètes pas pour ça, je n’ai aucune raison d’en parler à qui que se soit. Et puis, ce ne serait pas très respectueux de ma part. » T’esquissais un petit sourire en coin l’espace d’une petite seconde. S’était rare de te voir sourire, mais ces paroles t’avaient réellement fait du bien, alors t’as pas pu t’en empêcher. Tu ne savais même pas quoi lui répondre, tant ses paroles étaient parfaites. Tu pouvais pas espérer mieux. T’avais juste su répondre un petit « Merci. » un peu gêné, mais rassuré et heureux. Même si ton visage n’était pas si expressif, que tu paraissais juste un peu plus sereine, t’étais bel et bien contente.

Et puis tu récupérais ta tasse, à ton tour. Tu l’avais prise de tes deux mains toi aussi, histoire de les réchauffer. T’avais toutes ces bagues et anneaux aux doigts, notamment une tête de lion en argent sur l’index droit, et puis il y avait cette dent que tu avais tatouée sur ta main droite. Tu l’avais fait juste après les vacances 2016, symbole de changement dans ta vie, d’une épreuve douloureuse. T’étais plutôt fière de ce tatouage, tu pensais pas un jour toucher à tes mains. Mais cet évènement était trop gros pour que tu en fasses un tatouage banal. Bref.
Tu allais avec le jeune homme jusqu’à une table pour s’installer, et tu l’écoutais. « J’ai pu écouter plus de musiques de ton groupe après l’interview, vous faites vraiment du super boulot ! » Tu esquissais à nouveau ce petit sourire en coin. Parler de ton groupe était la meilleure manière de te toucher. Après tout, s’était ton travail et ta passion à la fois, ce qui te faisait vivre et sourire à la fois. Et pour rien au monde tu laisseras tomber ce groupe qui te tenait tellement à cœur. « Merci, c’est gentil. C’est vrai qu’on a tellement bossé sur cet album. Ca fait toujours plaisir d’avoir des impressions, et des compliments, du coup. C’est notre bébé, en quelque sorte. » T’en étais tellement fière, tu l’avais chez toi en plusieurs formats. CD, vinyle, et même l’avant-première. Personne ne le savait encore, mais vous alliez ressortir l’album en édition limité, avec les clips en dvd. Les clips étaient bien au chaud, déjà prêt, et t’avais hâte de les faire découvrir. « Il faudra que j’essaie de venir à un de vos concerts un de ces jours ! » Tu finissais par t’installer à une table, retirant ta veste que tu posais sur le dos de ta chaise. Tu avais ce pull noir en dessous, aux écritures grises. « Hé bien avec plaisir, il arrive qu’on fasse des espèces de concerts secrets sans pub dans des petites salles ou des bars juste histoire de s’amuser un peu et pour la nostalgie du truc. Je peux te contacter quand on en fera un. » Tes paroles étaient totalement en désaccord avec ton visage. Tu étais tellement inexpressive, le visage froid, et le ton calme sans la moindre particularité, et pourtant, tes paroles montraient bien que tu acceptais avec plaisir que le jeune homme vienne à un de tes concerts, car tu lui confiais même l’existence de tes concerts secrets. T’étais toujours comme ça, avec tout le monde, même si t’avais tendance à être un peu plus expressive avec tes proches, c’est bien pour ça que tes anciens amis te pensait malade mentalement. Il y avait de quoi se poser la question après tout, car s’étaient les personnes atteintes du syndrome d’Asperger qui ne regardaient pas dans les yeux et avaient si peu d’expressions faciales. Mais non, tu subissais juste encore ce traumatisme, même si tu ne l’admettras jamais. Qui sait avec le temps, tu enterreras cette merde, et tu redeviendras cette fille que tu étais avant. Joviale, sociable, pas du tout timide, du genre à aller vers les autres et commencer les conversations. Ce que tu n’étais plus du tout.
Tu finis par prendre une gorgée de ta boisson, et puis tu regardais ta tasse lorsque tu la reposais sur la table, les sourcils froncés. « Hm, c’est vraiment bon ici. Je connaissais pas, mais j’y retournerais. Je savais même pas qu’il y avait ce café à quelques pas de chez moi. » T’avais beau être maigre comme un clou, t’étais une adepte du sucré. C’est juste que t’en abusais pas et que tu n’étais pas gourmande. Mais bon, si on voulait t’adopter, il suffisait de t’offrir un donut. Et ça, les garçons de ton groupe l’avait bien compris, car à chaque fois que l’un d’eux avait faite une connerie, il t’en offrait un, histoire de se faire pardonner. Le pire, c’est que ça fonctionnait.

Tu voyais ce grand sourire à son visage lorsque tu l’avais invité à l’un de tes prochains concerts secrets. S’était plutôt surprenant. Dès votre rencontre, le jeune homme montrait un certain plaisir à t’écouter. Tu voyais bien qu’il aimait réellement ce que tu faisais, qu’il n’était pas qu’un journaliste qui interviewait ce que son chef lui demandait de faire. « Ce serait génial ! J’adore le concept de ces représentations inopinées. C’est drôlement sympa ce que vous faites, ça se voit que vous aimez vraiment la musique. » Il aimait réellement ton groupe, et ce que tu faisais. Et ça aussi, ça te faisais quelque chose. Tu te rendais réellement compte que ce garçon n’était pas un journaliste comme les autres et que t’avais une valeur à ses yeux. Pas une valeur monétaire, mais belle et bien humaine. Alors tout doucement, tu commençais à le regarder d’un autre œil. « Ouais, c’est vraiment notre passion. On veut garder tous les plaisirs de jouer et profiter un maximum. Notre réputation est en train de monter, bientôt on ne pourra plus faire ça. Alors on kiffe, simplement. » Pas que ça ne te plaisait pas que ta réputation monte, au contraire, mais comme tu disais, il valait mieux profiter de ces petites choses pendant qu’il en était encore temps. Car les petites salles, ça commençait à être fini pour vous car elles étaient sans arrêt en rupture de stock de billets, les fans demandaient après vous et étaient déçus, alors votre manager rajoutait une autre date dans une autre petite salle, et c’est un cercle vicieux qui commençait à se créer, car vous, ça vous rajoutait des soirées de travail, et donc de la fatigue. Surtout à toi, qui avais des cordes vocales précieuses. En ce moment, vous étiez en vacances deux mois, pour les fêtes, mais tu savais que lorsque les tournées allaient reprendre, ton manager aura pris les choses en main, et se sera dans des grandes salles que vous allez commencer à remplir. Et ça, même si s’était un autre monde, ça faisait battre ton cœur de plus belle.

Et finalement, comprenant bien que ce garçon ne te voulait que du bien, tu commençais à être moins rigide, parler un peu plus. Il te répondait en hochant la tête à propos des viennoiseries et gâteaux de l’endroit. « Je tâcherais de goûter leur donut. Pourquoi pas. » Toi et les donuts, s’était décidément toute une histoire. Tu pris une autre gorgée de ton cappuccino. Il était vraiment bon, tu te disais que t’allais revenir ici. Comme quoi, à se sociabiliser, on pouvait en trouver des surprises. Il était temps que tu te rendes compte de ça. Et tandis que tu fixais ta tasse, réfléchissant à tout ça, le jeune homme te posait cette question particulière. « Ça fait quoi d’être connue ? Je veux dire, est-ce des fois t’aimerais pas marcher dans la rue sans qu’un fan t’interpelle ? » T’avais d’abord été silencieuse, puis t’avais froncé les sourcils, et ça, le journaliste l’avait sûrement remarqué car il rajoutait : « Tu n’es pas obligé de répondre si tu n’es pas à l’aise, je suis juste beaucoup trop curieux comme mec. » Alors tu lui répondais directement, pour le rassurer : « Oh non, non.. ! C’est juste que c’est la première fois qu’on me pose ce genre de question du coup, tu m’as posé une colle. » T’esquissais enfin un sourire. Un sourire amusé, tout en passant ta main dans tes cheveux blancs, réfléchissant à sa question. « Hm… Je dirais que ça va, pour l’instant en tout cas. Je suis assez tranquille et j’ai pas tant de fans qui viennent m’interpeller dans la rue. En plus, quand c’est le cas, ils sont vraiment gentils et respectueux. J’ai la chance d’avoir une majorité de fans féminins, alors… C’est plus simple, tu vois.. ? » Comparé à certaines célébrités femmes qui se faisaient harceler par des fans hommes obsédés. Ça, s’était flippant, et heureusement, t'avais pas de ça, et tu croisais les doigts pour ne jamais le subir. Mais malheureusement, les messages bizarres commençaient à s'envoyer sur les réseaux sociaux. Les risques du métier. « Mais ça me fait bizarre quand les fans me parlent, viennent me voir dans la rue ou après les concerts. Ca fait bizarre de se dire qu’on aide des gens par sa passion qui est son travail à la fois. Qu’on les fait sourire, danser, pleurer… Ca me rappelle que j’ai un gros impact sur eux, et ça me fait bizarre, parce que eux aussi au final ils réalisent mon rêve de gosse. » Tu t’ouvrais un peu plus au garçon, il avait ce don pour te mettre à l’aise et te faire développer tes pensées au sujet de ton groupe, quitte à sortir des paroles touchantes. Parce qu’il avait ce côté rassurant et doux, à l’écoute, que t’aimais bien. Décidément, il n’était vraiment pas comme les autres journalistes, et tu te rendais compte que ce nouvel œil que tu avais sur lui, ce n’était plus celui d’un collaborateur. Qui sait, s’était une nouvelle amitié qui se créait. « C’est gênant, mais pas de le genre malaisant. Plutôt gênant dans le sens… Comme si on te balançait une pluie de compliments. » Et enfin, enfin, t’as fait un truc de dingue : t’as ri. Un petit rire, avant de repasser à ton visage neutre, mais un rire quand même. Et ce n’était pas rien. « Mais j’imagine que je dois m’y habituer, n’est-ce pas.. ? » T’étais quelqu’un de très modeste, qui avait du mal avec les compliments, parce que t’avais l’impression que ce n’était pas à toi qu’ils s’adressaient, que t’étais encore dans un rêve bizarre. Mais non, s’était bien vrai tout ça, alors il fallait que tu t’y fasses. Ton rêve s’était réalisé, t’avais plus qu’à kiffer.

T’appréciais ce petit moment avec lui. Il était calme, pas envahissant. T’avais horreur des personnes trop énergiques, quand tu connaissais pas. Ca te stressait, ça te mettait une certaine pression désagréable. Parce que t’étais pas de cette nature, tu l’étais plus. T’étais trop calme, peut-être aussi sensible ? Pourtant, avant t’étais très sociable, tout genre de personne pouvait t’adresser la parole, inconnu ou pas. Et tu pouvais passer des heures avec eux sans soucis. Maintenant, t’étais une toute autre personne, et les réactions étaient différentes à chaque nouvelle rencontre. Tu faisais peur, t’intimidait, t’agaçait, aussi parfois. C’est bien pour ça que les nouvelles rencontres, avec toi, s’était rare, parce que tu faisais fuir. Mais bon, au final, ça t’arrangeait. Mais ça avait le don de te surprendre, lorsqu’on te supportait malgré ton sale caractère et ton asociabilité. S’était le cas avec le jeune homme en face de toi. Il avait pu appendre à te connaître lors de votre interview, et pourtant, il avait pris plaisir à t’inviter à boire un café et rester à cette table à parler d’un peu de tout. Il arrivait même à te faire oublier cette canne noire posée contre la table, parce qu’il t’en parlait pas. Comme si ce n’était qu’une vulgaire béquille pas si importante que ça, et ça te faisait du bien, qu’on te rappelle pas ton handicap, qu’on ne voit que ça. Alors sa façon de faire te rassurait, et te mettait à l’aise. « C’est incroyable que tu es cette opportunité de rendre peut-être la vie des gens un peu meilleure en vivant ton rêve. Et ça me résiste de voir qu’il reste des personnes connues comme toi, qui reste humble et humaine. Tu verrais le nombre de personnes publique que j’ai interviewé et qui ont juste pris la grosse tête, c’est effarant. » Tu souriais jaune à cela, parce que tu connaissais bien. Tu rencontrais souvent d’autres artistes lors des festivals, et t’as pu voir de sacrés profils… Ca te fatiguait à chaque fois, parce que toi, tu savais la chance que tu avais, et t’en prenais grandement soin. « Disons que… Le groupe m’a sorti de la misère. Du coup, je sais la chance que j’ai, et j’en prends soin. Autant de mes garçons dont je serais rien sans eux, les fans, les boss… C’est une chance que j’ai, et je le sais bien. » Après tout, t’étais pratiquement sans-abri avant ça, avec un compte en banque qui criait famine si il n’était pas à découvert, à vivre dans la chambre d’internat de ta fac dont tu n’aimais même y faire tes études. Le groupe t’avait sauvé, ainsi que l’héritage de ta grand-mère, qui t’offrait sa belle maison.

Et puis le jeune homme te répondait au sujet des compliments, de tes fans. Il disait qu’il comprenait. C’est vrai, après tout, on avait tous des compliments dans notre vie, célébrité ou pas. Pour son travail, sa beauté, son bon caractère… Et on ne savait jamais vraiment comment réagir, à moins d’être égocentrique. Et toi qui avais eu l’habitude d’être traitée de monstre et de tâche par ta famille, toi qui maintenant étais vu comme une si belle et talentueuse chanteuse, assumant si bien sa sexualité, ça te faisais un changement radical qui te faisait bizarre. Et tu te disais que t’allais jamais vraiment t’y habituer. Au fond, t’espérais que ça allait être le cas, sinon ça voudrait dire que ton orgueil aurait trop grandi. Et ça, tu ne le voulais pas. Alors, tu hochais la tête. « Je préfère ne jamais m’y habituer en fait. Ca ferait de moi quelqu’un de trop… Orgueilleux. Tu vois ? Y’aurait plus de plaisir, et se serait… Malsain. » Cette idée te tenait réellement à cœur. Pour dire, t’avais ce tic de toujours remercier après chaque musique que tu interprétais, même en concert. T’avais peut-être l’air ridicule face aux autres artistes en festival, mais toi, ça te tenait à cœur, de remercier, lorsqu’on t’applaudissait. « En tout cas, je serai ravi de republier quelque chose dans votre groupe, peut-être dans quelques mois. » Ces paroles te tiraient de tes pensées. Tu relevais la tête pour le regarder. Ce tic que tu avais de ne pas regarder les yeux, commençait à s’estomper un petit peu. Ca avait tendance à se calmer, lorsque tu connaissais mieux la personne. Même si s’était pas tout à fait ça. Tu lui hochais la tête, un petit sourire aux lèvres. « Oui, avec plaisir. N’hésite pas à contacter mon boss quand tu en as envie, je lui dirais qu’on peut te faire confiance. » Ton boss, s’était ton manager. Mais t’avais tendance à lui donner tout les noms sauf Manager. Le daron, le padré, le boss… S’était surtout à cause de tes garçons qui avaient commencé avec cela, et ça vous ai resté.

Tu regardais ta tasse vide, puis l’heure sur ton téléphone. T’avais beau passer un moment agréable, tu te lassais vite, ceci étant loin d’être contre le jeune homme. Ca faisait partie de tes tares à deux balles. Mais t’étais rassuré, lorsqu’il te disait tranquillement : « Et je suis aussi content de t’avoir revu dans un contexte autre que professionnel. » Tu hochais la tête en souriant, cette conclusion portant à la fin de votre petit moment. « C’est vrai, s’était sympa. On pourra refaire quelque chose du genre. C’est… Agréable, d’être avec toi. » Tu disais presque ça timidement, tant t’avais plus l’habitude de dire ce genre de choses. Mais tu le pensais, sincèrement. Alors, tu regardais à nouveau ton téléphone, et tu lui montrais ton écran tactile de ton index. « Est-ce que tu veux… Que je te donne mon numéro ? » Tu disais ça en étant un peu mal à l’aise, parce que t’espérais qu’il n’allait pas prendre ça pour une demande de rencard ou ce genre de chose. T’espérais que si il était bien renseigné sur toi, il savait que tu étais gay. Mais bon, on y pensant, toi aussi t’aurais pu prendre son invitation au café comme quelque chose d’entreprenant, ce que tu n’avais pas fait, tout naturellement. Parce que tu sentais bien qu’entre vous, s’était une amitié qui commençait à naître tout doucement, et qu’il y avait quelque chose qui vous reliait. Et plus tu le regardais et l’écoutais, plus te commençait à te douter de ce fameux point commun entre vous.